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En l'honneur de la fête du livre de HYERES, ma nouvelle "INTERVALLE" en avant première.


Cette nouvelle répond à l'appel à concours de Nouvelles de MBS intitulé : " A son réveil, rien n'avait changé." dont voici les prescriptions données sur le site.


Les règles à respecter absolument pour concourir :


>> Accessible à tous >> Longueur de la nouvelle : de 4 000 minimum à 7 000 caractères maximum (espaces compris). >> Présentation : Times corps 12, interligne 1,5 sur un fichier Word. >> En en-tête de votre nouvelle : votre nom d’auteur, le titre du Concours« À son réveil, rien n’avait changé » : le titre de votre nouvelle (différent du titre du concours) >> Nommez votre fichier Word : [Concours A son réveil + votre nom d’auteur + le titre de votre nouvelle] >> Date limite d’envoi des nouvelles : 30 Juillet... à minuit. >> A expédier à contact@monBestSeller.com. Objet : A son réveil nom d'auteur

- L’envoi d’une nouvelle vaut acceptation de publication dans les recueils. Et un conseil... d’ami ;-) : relisez-vous avant d’envoyer votre nouvelle !

Vous découvrirez prochainement la constitution du jury, et nous remettrons en ligne les textes primés de nos derniers concours de nouvelles, La révélation des gagnants et la remise des Prix auront lieu le 1er septembre.

Pensez à relire les précieux conseils pour rédiger une nouvelle https://www.monbestseller.com/actualites-litteraire-conseil/3008-comment...

Nous sommes là pour vous encourager et vous soutenir dans cette aventure littéraire. Alors, à vous de jouer ! Est-ce que les choses ont changé ce matin ?


INTERVALLE, nouvelle par Alban PAULH


« Bonjour Docteur, merci d’avoir fait si vite au milieu de la nuit. Descendez la voiture jusqu’au bout du chemin. Ma sœur est auprès de lui. Je vous rejoins à pied. »


Il s’engage prudemment entre les hautes tiges du cannier à la lueur des phares. En contrebas, la pleine lune de février se reflète sur le miroir de la mer étale. De la barrière de l’enclos, il aperçoit le Camargue. Sa silhouette irradie d’un éclat argenté irréel au centre d’un nuage vaporeux. Robe dégoulinante de transpiration, naseaux dilatés, lèvres blanchies d’écume, il gratte compulsivement le sol givré et se jette à terre avec un hennissement déchirant. Il se roule, projette ses membres en tous sens. Ses sabots frappent côtes et abdomen. Il se relève d’un seul coup et démarre un galop effréné dans le paddock minuscule. Alban scrute les haies et aperçoit une ombre retranchée dans un angle. Impuissante, les bras ballants, la propriétaire pleure.


« Je m’en occupe, dit-il prenant la longe qu’elle serre entre ses mains. Il faut absolument neutraliser la douleur pour que je parvienne à le fouiller et poser un diagnostic. »

Un peu essoufflée, la première femme le rejoint à la voiture où il prépare une seringue : « Alors, Docteur ? »

« Vous aviez raison, répond-t-il. Coliques suraiguës. Probablement une péritonite ! Tenez, prenez ça ! Vous me la passerez dès que je l’aurai chopé. Votre sœur tâchera de le tenir ».

Le cheval s’immobilise. Sa peau fumeuse frisonne. Il roule des yeux fous et lance soudain toute sa masse contre l’épais taillis.

« Vite, on y va avant qu’il se foute en l’air. »

« Oh, Oh, Fandango. »

« Reculez, il ne vous reconnaît plus, il a perdu l’instinct de conservation. Il souffre trop. »


De justesse, il parvient à atteindre au vol la jugulaire et injecte le puissant sédatif.

« Voilà, tenez le bien maintenant, ça ne va pas agir longtemps ».

Il enfile tout son bras dans un gant orangé enduit de gel et l’introduit jusqu’à l’épaule dans l’anus du cheval. Les deux femmes cramponnées à la monture le regardent d’un air angoissé. Il s’affaire à l’intérieur. Ses doigts palpent avec une acuité de rapace nocturne le secret agencement vital des entrailles. Soudain son visage se fige.

« Je sens des fibres végétales entre les intestins. C’est foutu. Il a perforé. Je dois l’euthanasier ».

À l’énoncé du verdict, le hongre lance une ruade d’une violence inouïe qui envoie Alban au tapis.


Il entrouvre les yeux et aperçoit des nuages cotonneux dans l’azur. Une douleur sourde lui engourdit tout le bras. Il réalise qu’il est étendu sur le dos et que le jour s’est levé. Alors qu’il se redresse pour s’asseoir, une décharge électrique lui traverse le crâne : il voit défiler en noir et blanc toute l’histoire de sa vie. Il se relève. Au-dessus de sa tête, un trapèze oscille bercé par le chuintement de ses anneaux dans les crochets du portique. Il examine son coude droit d’où pendouille un lambeau sanguinolent et ne comprend pas pourquoi il a surtout mal à son poignet opposé. Il court, pénètre et traverse toute la longueur de la grande maison blanche jusqu’au sacro-saint bureau où crépite la machine à écrire.

« Maman, je me suis ouvert le coude. Je crois que j’ai aussi une fracture. »

« Depuis le temps que je te dis d’arrêter ton cirque, ça devait arriver. J’ai autre chose à faire que de m’occuper de toi. Prends ton vélo et va à la clinique du Parc.»

« Mais c’est à quatre kilomètres. J’ai mal ! »

« Ça ne te dérange pas d’en faire six à chaque fois qu’il s’agit d’aller monter à cheval, non ! Débrouille-toi. Tu es assez grand. »


« Ta mère n’est pas venue » s’étonne le chirurgien en préparant son aiguille. Je l’appellerai dès qu’on aura fini de te recoudre. « Non, surtout pas », proteste Alban blanc comme un linge avant de perdre à nouveau connaissance.


Groggy et encore endolori, debout devant le miroir, il titube. Dans la demi-pénombre, des formes bizarres se dessinent derrière lui sur les carreaux blancs. Elles oscillent, oranges, rouges puis vertes au gré du feu de circulation qui éclaire la pièce par une vitre dépolie. Cramponné au lavabo pour ne pas tomber, Alban sent subitement une profonde détente l’envahir. Son regard s’élargit au point de devenir flou. Le reflet de son visage passe du cuivré au bronze en scintillant. Il tressaille quand y apparaissent des traits reptiliens qui se succèdent à une vitesse vertigineuse avant de s’humaniser en une ribambelle de figures anonymes. Aucune ne lui restitue la sienne. Le bruit de son cœur emballé résonne comme un galop de charge dans le silence de la nuit. Alban s’efforce de respirer plus profondément pour contrer la montée de l’angoisse. Il disait donc vrai, l’autre, songe-t-il. À l’évidence, les apparences sont illusoires. Il réalise que depuis toujours il s’identifie à du vent. Soudain rieur, le masque qui l’observe murmure : « Vois-tu autre chose que ton esprit, ici ? De quoi as-tu peur ? »

Il hausse les épaules. Épuisé et sceptique, il préfère aller se recoucher. Descendant furtivement les escaliers pour ne pas réveiller Muriel, il se dirige vers le studio. Dans la véranda, il fronce les narines. Une senteur familière le réjouit. Sans qu’il soit capable de la rattacher à un souvenir précis, elle le rend plus léger, un peu flottant. La douleur s’envole enfin. Un conciliabule filtre du petit corridor. Une lueur tamisée s’échappe de l’embrasure des portes. Il aperçoit Muriel, ses filles et son fils penchés vers le lit qu’il ne distingue pas. Étonné, il approche.

« Qu’est-ce que vous faites tous là en pleine nuit ? ».

Ils continuent à parler entre eux à voix basse sans lui répondre. Comme d’hab, songe-t-il.

De l’encens brûle sur l’étagère. Son regard s’arrête incrédule sur le décor juste au-dessus. La galerie de portraits des maîtres tibétains a repris possession du linteau qui surmonte la baie vitrée, détrônant les photos anciennes des petits-enfants. Une Thangka de Tchenrézi surplombe le lit.

« Tu as changé d’avis, Muriel ? Mais qu’as-tu fait des cadres ? », ajoute-t-il en se tournant vers elle.

Les yeux rougis, elle renifle comme ses deux filles. Aucune ne lui accorde le moindre regard. Son fils, absorbé dans la lecture d’un polycopié, relève finalement la tête et dit : « T’as pêché ça où Mam’s ? On pourra jamais, nous. C’est du délire. »

« Elle l’a trouvé sur l’ordinateur, en haut. Paraît que c’est primordial. »

« D’accord ! Mais quarante-neuf jours quand-même, c’est long ».

Foudroyé à l’audition du chiffre rituel, Alban baisse les yeux et découvre une forme étendue sur le lit. Stupéfait, il reconnaît les vêtements qu’il porte sur lui. Le faciès rigolard du miroir maintenant accroché à ce col livide le défie à nouveau.

« Je n’y crois pas », hurle Alban sans que personne ne lui prête attention.

« Regarde ton esprit », entend-t-il fuser des lèvres exsangues du gisant qui reprend alors son visage, l’apparence habituelle qu’il appelait Alban.

« Alors ça y est, le moment est venu. Je pars seul, les mains vides. Je vous laisse… Trop con. », soupire-t-il incrédule.




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